Âmes pressées (très largement majoritaires) s’abstenir, mes interventions sur le web sont encore plus longues que mes interventions verbales durant nos concerts – et celle-ci est peut-être la plus longue que j’ai jamais écrite à destination d’internet. Ce post est une réaction globale à tout ce que nous avons pu lire sur divers forums suite à notre concert en première partie de The Old Dead Tree au Nouveau Casino ce 20 octobre – et c’est la raison pour laquelle je la fais figurer sur tous lesdits forums, bien que certaines remarques fassent référence à des choses qui auront été lues sur le forum voisin. Vue la longueur de l’intervention (on ne se refait pas), j’ai décliné les points de mes réactions en sections avec titres pour que chacun ne lise que ce qui l’intéresse – ou pas. Par ailleurs, sachez aussi que les propos tenus n’engagent que moi et mon groupe.
En préambule, je tiens à dire que pour nous, n’importe quel avis subjectif, personnel et qui se présente comme tel est éminemment respectable et a le droit à une expression libre, pleine et entière, aussi critique et même destructeur qu’il puisse être à l’égard de ce que nous faisons – et je salue à cet égard ceux qui ont pu avoir la critique respectueuse de son objet et ouverte d’esprit. Ca ne nous empêche pas d’avoir éventuellement des réactions à y apporter, ce que je vais faire, mais certainement aucune remise en question de fond quant à la démarche. Cependant, lorsque d’autres avis dépassent le cadre de cette humilité et de cette subjectivité assumée pour s’ériger en juges suprêmes du genre, du bon goût, de ce qui se fait et ne se fait pas, de ce qui a ou non sa place dans un concert, et outrepassent les limites de leurs propre légitimité pour déborder dans une excroissance irrespectueuse au regard de laquelle il m’apparaît important de recadrer un certain nombre de choses, je ne peux m’empêcher de prendre la plume pour restaurer le fondement de notre démarche et, à nos yeux, le caractère infondé de la leur.
Par avance et pour devancer la énième manifestation d’une autre critique bien connue, que ceux que la longueur extrême de ma façon de m’exprimer et de penser les choses rebutent passent leur chemin et se désintéressent de cette intervention – et qu’ils se passent aussi par-là même d’un commentaire sur ce point qui aurait assez peu d’intérêt au regard du sujet évoqué.
LE SON :
L’ACCUEIL DE LA SALLE
En ce qui concerne la question du son général et du mixage tout d’abord, il semble notoire au vu des critiques et des avis glanés ça et là qu’il y a eu de nombreux problèmes. Batterie surmixée et trop imposante dans les fréquences basses et bas médiums, guitares et voix sous mixées (ou probablement masquées par les excroissances des fréquences de la batterie et par les fréquences de résonance de la salle d’une manière générale). Nous sommes tout à fait prêts à reconnaître que le résultat de samedi était fort probablement loin d’être optimum (bien qu’étant sur scène, au final, nous n’en sachions finalement rien). Pour la décharge de notre ingé son qui a passé une soirée très difficile et qui prend sur lui beaucoup des responsabilités de cet échec, je dirais plusieurs choses.
La première est qu’en tant que première partie, le temps imparti aux balances est nécessairement réduit, ça fait partie du jeu on ne s’en plaint pas, tout le monde y passe et il n’y a pas de raison que nous dérogions à la règle, mais ça n’est pas sans conséquence sur le résultat final, c’est encore plus vrai pour une musique aussi chargée en instrumentations (donc difficile à mixer) que la nôtre. J’y reviendrai.
A cela, il faut ajouter pour sa décharge que la journée a été considérablement obscurcie pour lui bien avant nos balances par l’arrivée de graves problèmes personnels. Même si ça peut donner l’impression d’enfoncer une porte ouverte (mais au regard de la virulence sans concession et sans distinction de certaines critiques, il est évident que c’est un fait parfois oublié), les techniciens et les musiciens sont aussi des hommes, et cette humanité ainsi que la vulnérabilité qui lui est associée font qu’on peut tout à fait planter littéralement un concert, fût-il de la plus haute importance, parce que nous aurons été fragilisés dans cette vulnérabilité. Etant moi-même sonorisateur, je sais très bien à quel point une situation de déstabilisation psychologique forte peut faire perdre absolument tous ses moyens et presque tout jugement critique, toute oreille et toute connaissance technique.
Par ailleurs, il est bon de signaler que notre ingé son s’est fait accueillir et traiter comme un chien par l’ingé local de la salle (et ça aussi il faut croire que c’est la dure loi lorsque l’on est une première partie parfois, d’avoir une équipe technique locale qui vous prend de haut et vous envoie paître alors que la même est toute de miel pour la tête d’affiche). Ce dernier lui a pourri la tête sans relâche et avec un acharnement qui a même choqué certains observateurs extérieurs – et je regrette amèrement de ne pas avoir pris la mesure et l’ampleur du phénomène en temps et en heure, car étant moi-même sonorisateur, je sais précisément ce qu’un groupe est en droit d’attendre de celui qui accueille en local et je suis bien placé pour savoir que la façon dont les choses se sont passées sont juste inadmissibles dans la profession.
Pour ne citer que cela, l’équipe locale a tout de même été capable de mettre à l’un des guitaristes un retour dont le tweeter (c’est à dire ce qui, dans l’enceinte, produit les fréquences aigues et médium) était HS, sans réagir et en faisant comme si de rien n’était pendant la balance tandis que je me plaignais du fait que le son qui en sortait était complètement sourd alors que, je l’ai su après, « tweeter HS » était marqué sur l’enceinte, derrière, en gros (donc le technicien local qui l’a posé a bien été forcé de le voir), et résultat le guitariste a juste passé le concert à ne pas s’entendre et à jouer à l’aveugle. C’est pour donner une idée de la façon dont on a été accueillis nous et nos racks informatiques, qui ressemblait plus à une séance de bizutage qu’à autre chose – et certainement pas à l’accueil respectueux et ayant pour but que le concert se passe au mieux que tout technicien doit à l’égard des groupes qui se produisent le soir même, et ce quelle que soit leur importance. Par ailleurs, quoi qu’en disent les techniciens locaux dont je sais que dès le début ils n’ont pas apprécié notre système de sonorisation qui, par son caractère original et singulier, les faisait nécessairement sortir hors de leurs petites habitudes de travail sclérosées, tout s’était excellemment bien passé avec l’équipe de la Scène Bastille 15 jours plus tôt dont les membres s’en étaient très bien sortis là où ceux du Nouveau Casino ont fait si mal, et avec lesquels notre façon de faire du son n’a posé absolument aucun problème là où, avec le responsable son du Nouveau Casino, cela a été si pénible. Et ce qui s’est passé avec la scène Bastille est représentatif de toutes les salles et de toutes les équipes son qui nous ont reçus (et très bien accueillis) jusqu’à présent sous cette configuration, même dans le stress du manque de temps.
Quand on a fait de la prestation en sonorisation comme je l’ai fait jusqu’à il y a peu, on appelle cela une faute professionnelle et du n’importe quoi. Si l’un de mes patrons de l’époque m’avait vu me comporter comme cela à l’égard des gens que j’accueillais, il m’aurait tout simplement dégagé et montré la direction de l’ANPE spectacle. Même en tant que première partie, j’aurais dû plus faire valoir nos droits et je l’aurais fait si j’avais su à temps l’ampleur du désastre. A noter que je ne parle absolument pas du staff de The Old Dead Tree ni même de la prod’ qui ont été adorables en tous points et auxquels nous n’avons absolument rien à reprocher concernant la façon dont ses membres se sont comportés à notre égard, bien au contraire. Je suis désolé de m’étaler de la sorte sur ces questions qui pourraient sembler ne concerner que leurs protagonistes – et je pense personnellement que les questions d’ordre privé doivent le rester – mais celles-ci ont eu un impact plus qu’important sur le résultat final qui, lui, loin de se cantonner à un cadre privé qui n’engage et ne regarde que nous, a pris une dimension publique devant 400 personnes, et il n’y a pas de raison pour que nous en portions aux yeux dudit public toute la responsabilité et tout le discrédit associés à notre seul nom sans qu’ils soient aussi portés à celui de la salle qui nous a « accueillis » (enfin, à l’équipe son de la salle, car en dehors de cela rien à redire, catering impeccable, ingé light très gentille, etc…).
Il est bon de savoir que le son d’un concert, qui est une chose qui se construit pas à pas, peut-être très mal construit et rendu très mauvais par les seules conditions dans lesquelles le groupe est reçu sur place et que samedi cela a été en partie le cas. Il est juste de reconnaître qu’au final notre ingé a planté le concert, qu’il y est arrivé mal en point, la tête dans les chaussettes, qu’il était perdu, qu’il n’a pas assuré, mais pour revenir à l’ingé local, quand on a en face de soi quelqu’un qui est perdu et en panique dans le stress de toutes les choses à faire en peu de temps, quoiqu’on pense du fait qu’il assure ou non, être professionnel, faire le taff pour lequel on est payé, c’est faire le maximum pour qu’il s’en sorte et pour parvenir à en tirer le meilleur afin que le concert se passe au mieux, pas lui plonger la tête dans sa boue et bien appuyer en en remettant trois couches pour être bien sûr qu’il n’en ressortira rien, tout en le pourrissant pour bien masquer sa propre incapacité à venir à bout de la tâche qui nous incombe. On a tous commencé dans le métier, lui le premier et on a tous eu besoin de quelqu’un pour nous aider à mener à bien nôtre tache au lieu de nous assassiner en nous faisant comprendre qu’on est lamentable d’avoir besoin de cette aide.
Toutes ces choses ont concouru à créer une situation extrêmement déstabilisatrice. Ajoutée à la différence de son au niveau de la table de mixage (au fond de la salle et en hauteur) par rapport au niveau du public – car il semblerait qu’en haut, de par une position qui semblait préservée de la présence des fréquences de résonance de la salle, il y avait beaucoup moins de ces fréquences basses qui ont rendu la batterie monstrueuse et qui ont couvert tout le reste, à commencer par la voix et les guitares –, l’ensemble de ces conditions a permis à toutes ces erreurs de mixage d’exister. Toujours est-il qu’au final notre ingé a planté le truc et nous en sommes désolés auprès du public. Mais des incompétences extérieures au groupe (et, bien pire encore, des mauvaises volontés affichées et assumées) ont brillé d’autre part pour concourir à cela. Apprendre à faire avec ce genre d’individus tels que j’en ai vu des dizaines dans les milieux du spectacle quand j’y travaillais (surtout chez les gens employés par les salles qui sont un peu les fonctionnaires ronchons et feignants du métier et qui, parce qu’ils ont leur place assurée, se croient tout permis et redevables de rien), ça fait aussi partie du professionnalisme à acquérir et nous reconnaissons que nous avons encore à apprendre à cet égard – enfin particulièrement en France où cela semble être une marque de fabrique et où un certain esprit français bien grognon, arrogant et médisant règne parfois en maître ; « You French people you always piss me off » disait l’ingé son d’un groupe important de métal à voix féminine lorsqu’il parlait de la façon dont il était accueilli par les équipes techniques locales dans nos scènes nationales. Je suis au regret de constater que sur le cas précis de cette date c’est une sentence qui se vérifie pleinement.
LE SON GLOBAL DU GROUPE PAR N ATURE INDEPENDEMMENT DE TOUTE AUTRE CONSIDERATION
L’UTILISATION DES MACHINES :
A cela, il est bon aussi d’ajouter une chose. Nous faisons une musique à la croisée entre plusieurs genres, principalement deux, le gothique et le métal – le plus gothique des groupes métal et le plus métal des groupes gothiques a-t-on coutume de dire de nous, c’est à dire nécessairement trop gothique pour certains fans de métal (les critiques des forums sont là pour nous en convaincre si nous ne l’étions pas) et trop métal pour certains fans de gothique. Cela a ses avantages et ses inconvénients en nombre égal, notamment celui, dans le cadre d’un concert purement métal, de ne pouvoir de toute façon satisfaire ceux qui viennent pour prendre dans la tête du gros riff bien direct, simple et efficace, sans artifice et bien en avant dans le mix. Dans nos choix artistiques de départ, il y a beaucoup d’effets de spatialisation sur les instruments qui font nécessairement perdre en présence et en clarté ce qu’on gagne en profondeur, beaucoup d’orchestrations en multicouches et les guitares ne sont qu’un élément mélodique ou rythmique parmi tant d’autres qui, contrairement à ce qui se passe dans la majorité des groupes métal où elles ont l’exclusivité en la matière, doivent grandement partager avec le reste de l’instrumentation. Les 3 guitares nous servent parfois à créer des textures sonores où les mélodies s’entrecroisent sans qu’aucune ne prenne le pas sur l’autre comme sur le reste – et dans ces moments-là il faut être capable de se laisser porter par le truc sans chercher forcément à tout comprendre ou à tout rationaliser et sans chercher nécessairement à tout contrôler de son écoute pour pouvoir apprécier. On a le droit de ne pas aimer mais ça reste un choix artistique pleinement légitime et profondément pertinent. Si on peut sanctionner sa singularité et son caractère inhabituel, il n’en demeure pas moins que cette singularité, nous la revendiquons comme une marque de fabrique et une partie de notre identité. Elle aura ses partisans comme ses détracteur tout aussi farouches les uns que les autres – les détracteurs semblant aimer s’exprimer en public tandis que les partisans ont l’air de préférer nous soutenir dans l’ombre et en coulisse à part de rares cas dont nous saluons avec d’autant plus de gratitude la témérité, l’intégrité et la loyauté –, mais dans tous les cas elle sera nôtre. La nouveauté et la singularité qui bouleversent les habitudes et les repères anciens ont toujours commencé par se faire jeter des cailloux et par faire railler les biens pensants et les détenteurs du bon goût, c’est aussi vieux que l’histoire de l’art et nous n’échapperons pas à la règle, nous nous contenterons de serrer les dents et de continuer à croire en ce que nous faisons, même si cela doit être envers et contre tout.
Notre musique est un foisonnement d’éléments, de mélodies, d’ambiances, l’effet musical recherché pourrait être comparé au niveau architectural à celui d’un vitrail, et une guitare n’est jamais qu’une couleur de ce vitrail, un élément composite de la mosaïques et certainement pas l’intégralité du dessin central, en bien gros et en monochrome. Cela rend cette musique d’autant plus difficile à mixer et d’autant plus exigeante en matière d’équilibre fréquentielle dans un lieu de concert donné, parce que le spectre est tellement plein et chargé que la plage de fréquences dans laquelle se situe l’intelligibilité de tout instrument est très fine et toute erreur ou tout déséquilibre peut avoir de grandes répercussions telles que la disparition complète d’un élément par exemple. Mais, aussi bien mixée que soit la musique et aussi parfaite que puisse être l’acoustique d’une salle ou l’équilibre fréquentiel d’un système de sonorisation, cette musique ne contentera jamais les fans de gros riff dans les dents bien en avant, car il faut savoir la prendre comme un tout, se laisser porter par le rendu de l’ensemble sans forcément chercher à savoir précisément ce que joue tel ou tel instrument, comme dans une masse orchestrale où il faut avoir une écoute globale sans forcément chercher à savoir ce que joue précisément le troisième violon et sans se dire non plus que c’est de la mauvaise musique parce qu’on ne l’entend pas distinctement et que le chef d’orchestre ou le compositeurs méritent les railleries pour autant.
Ceci explique aussi notre choix de venir sur scène avec toutes ces machines qui nous permettent de prémixer un maximum de choses chez nous, au calme, et de pré programmer à l’avance de manière très précise les fluctuations de volume et les déclenchements d’effets de chaque instrument (car chaque instrument et chaque source sonore commence par rentrer dans l’ordinateur et par y être traitée avant d’être renvoyée vers la console de façade). Théoriquement, ça permet d’importer tous les effets de production d’un album sur scène et de jouer dessus en temps réel. Tout ce que nous jouons est traité et mixé en temps réel par les machines et renvoyé sous forme de 4 prémix à la façade. Le procédé est tout nouveau, je ne connais aucun autre groupe qui se sonorise de cette façon, certains de mes anciens collègues de sonorisation, en le voyant, y trouvaient quelque chose de génial et de révolutionnaire bien que fort difficile à mettre en oeuvre, d’autres, comme l’ingé local qui nous a accueilli, y verront simplement une source de galère et quelque chose qui « ne se fait pas » (traduire dans leur langage « qui n’a jamais été fait donc qui n’a pas à être fait parce que ça dépasse le cadre de mes habitudes de travail et que je ne vais surtout pas me mettre à m’adapter et à continuer à apprendre des choses »), parce que ça les fera sortir de leurs petits moeurs sclérosés de petit fonctionnaires du son avec leur méthode bien rodée à laquelle il ne faut surtout rien changer et dont il n’est surtout pas question de sortir sinon ils ne savent plus où ils sont – et ceux-là crieront à l’hérésie.
Malheureusement pour eux, les hérétiques d’hier sont les initiateurs et les créateurs de nouvelles tendances et de nouvelles façons de faire de demain – et, parfois, les visionnaires d’après demain. Il est sûr que si personne n’avait eu à cœur de faire évoluer les choses en y insufflant de la nouveauté et des façons de procéder ou d’envisager qui n’ont pas été faites auparavant, quitte à se tromper parfois, à tâtonner, à chercher, à essayer, à raturer, et quitte aussi à faire glousser les imbéciles et à se faire jeter par les feignants, on en serait encore à faire de la musique monophonique et à parler en bas latin (ou, pire encore, à faire de la musique en tapant sur des pierres et en s’exprimant par des grognements). Que ceux qui ricanent bêtement (c’est à dire comme des bêtes et sans grande intelligence) de nos machineries sachent que des comme eux il y en a eu de tous temps et, il n’y a pas si longtemps que cela, lorsqu’un jour quelqu’un a mis par erreur une distorsion sur une guitare – erreur à laquelle on doit désormais les procédés de traitement du son qui font ce que l’on appelle le métal –, ils étaient les premiers à glousser aussi. Ils ont laissé à la postérité une piètre image à la petite mesure qui est la leur, ce qui n’est pas le cas des explorateurs du son qui ont fait évoluer la musique de tous temps quitte à subir les quolibets des sots et les railleries des ignorants.
Il est effectivement évident qu’il serait bien plus facile et plus rapide pour nous de nous sonoriser comme des dizaines de milliers de groupes l’ont fait avant nous selon une technique bien rodée par des dizaines d’années de pratique ; c’est comme aller sur une autoroute, c’est tout droit et tout goudronné il n’y qu’à filer. Nous, nous explorons de nouvelles voies, et pour cela nous devons y aller à la machette pour faire notre propre chemin en débroussaillant et, oui, il y a encore du travail (derrière nous il y en a déjà plusieurs années pour mettre le tout sur pied), oui tout cela n’est pas encore au point, oui nous sommes encore en recherche et en construction (bien que celles-ci soient largement suffisamment avancées pour mériter d’aller sur scène), mais oui il y a encore du chemin à faire, des choses à trouver, à peaufiner, des impasses à dépasser, pour répondre à ceux qui ricanent grassement et pas très finement du fait que tant de machines sur scène puissent aboutir à un son loin d’être parfait (encore faudrait-il par ailleurs que le résultat final ne soit dépendant que de nos machines or celles-ci, hélas, comme je l’expliquais, ne sont qu’une partie de la chaîne et il suffit qu’ailleurs ça n’aille pas pour qu’au final ça n’aille pas, vous voyez suffisamment de grands groupes qui sont de grosses machines de guerre et qui montent sur scène avec plusieurs milliers d’euros de matériel en finissant avec un son calamiteux pour pouvoir en être persuadés).
A cela je répondrai seulement que sur ce point comme sur d’autres, nous avons à cœur de tracer notre propre voie, aujourd’hui c’est encore une jungle dans laquelle on crée un chemin à la machette, demain ce sera peut-être une route et si l’idée est bonne comme nous le pensons, un jour ce sera une autoroute qui sera empruntée par d’autres et les fonctionnaires de la sonorisation seront bien obligés de se mettre au diapason. Ce jour-là, la réponse que nous aurons à apporter à ceux qui auront ricané de nous avoir vu trimer et nous débattre avec un rendu sonore parfois approximatif, c’est que l’autoroute en question elle portera notre nom et nous pourrons dire que nous l’aurons faite exister à la sueur de notre front. Nous abordons son élaboration avec l’humilité et la conscience très claire de nos limites et du chemin qui reste encore à parcourir tout autant qu’avec la volonté farouche, claire, assumée, prônée que certains nommeront prétention, vanité ou mégalomanie de dépasser ces limites et de venir à bout des obstacles par le travail, l’obstination, le dévouement à ce que nous faisons et l’acharnement dans la réalisation de ce que nous élaborons. Cela passe par le fait de monter sur scène pour éprouver ces réalisations, que ceux qui désirent en rire le fassent, ils en sont libre, mais qu’ils aient conscience de l’étroitesse d’esprit et de la petitesse qui est la leur lorsqu’ils le font, c’est ma liberté à moi de le leur rappeler. Qu’ils aient conscience aussi que si un jour nous réussissons – et j’en ai la très ferme intention –, ce jour-là, ce seront eux, les dindons de la farce.
LE SON DE LA BATTERIE
Enfin, en ce qui concerne le son de la batterie en lui-même (et pas sa place dans le mix), chacun est libre d’aimer ou de ne pas aimer mais ça reste une question de goût, pas un avis objectif sur sa qualité intrinsèque. Au soir du concert, quelqu’un nous écrivait sur myspace : « J’ai beaucoup aimé le son de la batterie électronique, ça donne un son « rond », et de ce fait, profond, qui se mêlait très bien avec le reste des instruments, ». Un fan devenu un ami me disait récemment qu’enfin nous avions une batterie qui sonnait Liturgy, qui était personnelle, qui ressemblait à la musique que l’on fait par ailleurs et qui n’était pas la simple batterie métal entendue mille fois partout, qu’elle était profonde, colossale et ample comme nos ambiances et pas sèche comme le métal moderne hyper direct et immédiat. Un autre me disait que son caractère très massif donnait à notre musique quelque chose de « wagnérien » (ce sont ses mots, pas les miens) qui la rendait plus belle et plus magistrale encore. Je persiste, donc, et je signe. Qualitativement et en matière de travail sur le son il n’y a rien à redire de la batterie, après subjectivement tout est affaire de goût et on est entièrement libre de ne pas aimer, notamment son côté un peu électronique – que je vais d’ailleurs me faire un plaisir d’accentuer dans les prochains temps pour y ajouter une touche industrielle qui, à coup sûr, ravira les traditionalistes du métal et autres garants du bon goût qui décident de ce qui se fait ou ne se fait pas en matière d’art.
Par ailleurs, il est certain que le son choisi est désormais dépourvu de tout naturel et de tout caractère acoustique. Mais ce qui me chiffonne dans l’attaque formulée à notre encontre à cet égard, c’est que la batterie métal traditionnelle elle-même est le résultat d’une production et d’un travail de déformation considérable du son naturel qui horrifierait les oreilles des puristes et autres amateurs du son acoustique de l’instrument. A ceux qui revendiquent l’exigence du naturel dans le son de la batterie, je conseillerai donc plutôt de se tourner vers un bon concert de jazz où le respect scrupuleux de ce naturel est une tradition (moyennant l’absence totale de ce caractère explosif et surpuissant des batteries métal), mais dans un genre musical où la quasi-totalité des batteries sont triggées en studio et de plus en plus en live (triggées, c’est à dire où le son naturel de chaque élément est remplacé par un sample (surproduit et artificiellement dénaturé)) même lorsqu’il y a bel et bien un homme derrière les fûts, j’admets qu’à mon sens, critiquer la pertinence du choix d’une batterie électronique au son électronique avec un batteur dessus (là où d’autre l’acclament, je le rappelle) m’apparaît en soi être une critique qui manque elle-même fondamentalement de pertinence au regard du cadre constitué du genre musical dans lequel elle s’inscrit – puisque les défenseurs du naturel (enfin, les détracteurs de notre anti-naturel pour être plus précis) sont probablement les premiers à se gorger, visiblement sans le savoir, de batteries totalement anti-naturelles par ailleurs. A ce niveau-là, on touche à une question de culture musicale et de connaissance de ce dont on parle. Là encore, comme je l’ai déjà dit, les hérésies d’aujourd’hui sont les normes et les maîtres étalons de demain, les ingés sons des grosses prod variété et rock qui riaient grassement des grosses caisses de la techno au début des années 90 furent les premiers à devoir tenter de les recréer dans la seconde moitié des 90’s quand leurs artistes variété qui étaient aussi leurs clients voulaient donner une touche moderne à leurs disques pour être plus dans leur temps. Par ailleurs, à ceux qui estiment qu’un son électronique n’a pas sa place en métal, je dirais que pour moi Passage de Samael demeure une référence personnelle absolue et sans égal, donc tout cela demeure une question de point de vue et chaque avis demeure pleinement légitime et recevable à partir du moment où il ne déborde pas du cadre se sa propre légitimité, à savoir celle de sa subjectivité, pour s’ériger en juge du bon goût.
LE DECOR ET LES COSTUMES :
En ce qui concerne les bougies dont on a critiqué l’utilisation, y compris non allumées (pour le faire encore faut-il l’autorisation de la salle ce qui n’est pas toujours le cas), elles font partie intégrante de notre visuel et de notre univers tout autant que les ordinateurs et les racks de périphériques. Que certains y voit un poncif et un cliché gothique au même titre qu’on pourrait le faire de l’utilisation de grandes orgues ou de clavecins dans une musique du genre ne change rien au fait que, pour nous, l’orgue est l’un des instruments de musique les plus profonds et les plus majestueux que l’Homme ait inventé et que les bougies sont des objets décoratifs qui confèrent par leur présence une spiritualité, quelque chose de cérémonial et un cachet sans pareil et inimitable qui, artistiquement, tape pile dans le type d’ambiances que nous cherchons à instaurer et le type de questions que nous cherchons à soulever. L’utilisation de tels éléments n’est pas moins un poncif du genre gothique que les cheveux longs, les sons de guitare saturés et l’emploi de la double grosse caisse ne sont des poncifs du genre métal, je trouverais personnellement douteux et bien peu pertinent d’exiger de tout groupe métal de passer désormais chez le coiffeur et de jouer en son clair et au Djembé à cause de cela (Manu, dis-moi que ça n’est pas à cause des chroniques assassines sur VS que tu t’es coupé les cheveux s’il te plaît… ).
Après c’est une question de style, on aime ou pas et chacun est libre de son goût, mais sanctionner le caractère stéréotypé d’une musique ou d’un genre sur la base de l’utilisation d’éléments en son sein au fondement même du genre n’a, de toute évidence, pas de sens car cela reviendrait à exiger d’une musique, pour qu’elle soit originale dans son style, de ne plus pratiquer son style. A cet égard, il est vrai que les Backstreet boys, pour du métal, c’est vraiment très original et ça casse les lois du genre, aucun doute là-dessus (absolument toutes les lois du genre), pas un seul cliché ne subsiste, mais personnellement, je préfère quand il y a un peu plus de guitares saturées et de double grosse caisse, aussi odieusement stéréotypé que cela puisse paraître pour du métal. Pareillement j’apprécie les groupes gothiques qui prennent une certaine souffrance au contact du monde comme point de départ de leur travail pour soulever des interrogations existentielles sur l’Homme, sur le monde et sur la question du sacré qui, dans nos sociétés, est nécessairement associée à un moment où l’autre à la notion de crucifixion – donc de croix.
A cet égard, oui, ce que nous faisons est profondément, durablement, ostensiblement gothique, au sens premier et originel du terme avec toutes les atmosphères que cela comporte et toutes les interrogations que cela suscite, nous l’assumons, nous le revendiquons, nous en sommes fiers, il n’est pas une seule parcelle de notre identité musicale ou visuelle qui n’en porte la marque et le cachet, et oui nous soulevons toutes ces questions, nous ne forçons personne à se les poser ni à apprécier leur mise en forme esthétique et symbolique, mais nous nous adressons à ceux qui se les posent – le plus souvent parce que l’expérience terrible de la vie au sein du monde des hommes ne leur laisse pas d’autre choix –, que les autres nous ignorent et se désintéressent de notre travail dont le propos ne leur parle pas, et oui cela passe par des visuels, des bougies, des grandes orgues et des croix sur le visage et comme symbole du groupe que l’on appose telle une signature sur tout ce que nous faisons, dont les observateurs attentifs que ne sont pas les ricanants pas très finauds auront noté que ça n’est pas qu’une croix mais aussi beaucoup plus que cela (une épée, un bijou, quelque chose qui suggère l’envol ou encore une fleur, par exemple, et ce « beaucoup plus que cela », quoiqu’en pensent les ricanants, c’est justement là que commence l’originalité et le fait de présenter une utilisation singulière, nouvelle et personnelle d’éléments issus du corpus d’un genre donné ; seulement, il est évident que pour prendre conscience de cela il faut arrêter de rire bêtement et prendre le temps de s’intéresser à son sujet pour être capable d’en parler en connaissance des choses et non en préjugés grossiers – ou, lorsqu’on n’a pas la connaissance parce qu’on n’a pas pris le temps et qu’on en a pas eu envie (et on peut avoir d’excellentes raisons à cela), de faire ce que la sagesse même commande, à savoir se taire. Mais on ne va pas demander aux ricanants de cesser d’avoir le jugement grossier, ce serait comme demander aux cochons de cesser de grogner).
Une musique où l’on ne retrouve pas les fondamentaux d’un certain genre mérite tout simplement d’être rangée dans un autre genre – et inversement, lorsqu’une musique est associée à un genre, on y retrouvera nécessairement un certain nombre de fondamentaux de ce genre. Pour revenir à nous, dire de la part d’un groupe « gothique » que son utilisation d’une certaine religiosité esthétique (bougies, croix) est déplacée et plus d’actualité, que cela relève du stéréotype, là encore ça manque fondamentalement de pertinence et de culture. C’est la gratuité de l’emploi qui crée le stéréotype, c’est à dire la façon dont on utilise un objet (esthétique, philosophique, etc…), et pas l’objet lui-même – mais pour savoir si l’emploi d’une chose est gratuit ou non, là encore, il faut faire l’effort de s’intéresser un minimum à son sujet – et quiconque a pris le temps de se pencher un tant soit peu sur notre univers s’est rendu compte qu’il y a peu de groupes du genre chez lesquels l’exploitation de cette religiosité est moins gratuite et plus douée de sens que chez nous. Nous revendiquons une réappropriation et une perpétuation d’un héritage culturel dans la droite lignée de l’esthétique gothique au sens fort, au sens plein, au sens profond, au sens premier et originel du terme, libre à ceux à qui ça ne parle pas d’être indifférents mais ça ne leur confère ni l’autorité ni la légitimité pour jeter le discrédit sur notre démarche – et je remercie, et je respecte, et je salue à cet égard ceux qui se contentent de dire « ça n’est pas mon truc ».
Au passage, à l’inverse des mots d’un des post qui ricanait de cela de la manière profonde, spirituelle et pénétrante d’intelligence avec laquelle il ricanait de tout le reste, nombreux sont ceux par le passé qui sont venus nous voir pour nous dire combien l’utilisation de ces éléments classiques de l’esthétique gothique résolument tournée par nature vers le passé (quoique les bougeoirs d’Eglise d’un mètre de haut sont bien moins répandus que ce que vous semblez croire), des éléments vieux de plusieurs siècles d’âge et qui rappellent par leur présence un passé séculaire, confrontés et mis en présence avec des éléments beaucoup plus modernes (machines et écrans d’ordinateurs) ancrant l’esthétique générale du groupe tout autant dans la technologie d’un temps très présent et résolument tourné vers le futur que dans la poussière nostalgique et dans la spiritualité des temps anciens, nombreux donc sont ceux qui nous ont dit que ce mariage-là qui nous était propre représentait précisément l’insufflation d’une originalité marquée et d’une approche profondément personnelle et novatrice du genre (et cela justifie pleinement que, même sans autorisation de les allumer, nous faisions figurer nos bougeoirs et nos chandeliers sur scène).
D’autres ont dit de même du fait que jamais une musique gothique n’avait été si profondément métal et que jamais une musique métal n’avait été si profondément gothique – ce qui fait de nous à ma connaissance le seul groupe qui puisse ouvrir pour Faith And The Muse et pour The Old Dead Tree à 15 jours d’intervalle. Je préfère personnellement m’en tenir à ces mots plutôt qu’aux destructions faciles et arbitraires qui, en prétendant fustiger les stéréotypes et les clichés d’un groupe, démontrent au fondement de leur logique de destruction – dont on sent bien par ailleurs que l’objectivité est moins le but recherché que le défouloir – une simplification des choses à de bons gros schémas de pensée pas très finauds symptômes eux-mêmes d’un grand simplisme. D’une manière générale, la convocation dans notre univers de tous ces éléments hétéroclites représente notre façon à nous, visuellement, de signifier que nous réactualisons dans un cadre très moderne des interrogations et des considérations très anciennes pour montrer qu’elles sont toujours vivaces – et le fait que certains ne se les posent pas ne signifie en rien qu’elles n’aient pas à être posées ou qu’elles soient déplacées –, qu’elles traversent les âges et qu’elles participent donc d’une certaine universalité ; autrement dit, qu’elles traitent de l’humain (comme le font à leur manière les membres de The Old Dead Tree), toute provenance confondue – et parler de cette humanité-là, traiter de cela est le propre d’un art qui n’est pas une pause, un pur divertissement ou un étalage impudique, égocentrique et autocentré.
LA PERTINENCE D’UN DISCOURS SUR LE PROCHE ORIENT ET SUR LA GUERRE A VENIR.
Venons-en à mon discours (lisible sur le blog de notre page myspace française à cette adresse :
http://www.myspace.com/liturgyofdecayfrance ), dont je savais à l’avance qu’il serait sujet à polémique en ce qui concerne tout autant son contenu que sa place dans le concert. Le contenu tout d’abord : on m’a reproché en vrac mon alarmisme, mon « dogmatisme » (qui nécessite au préalable, pour exister, l’énonciation d’un dogme, je me demande bien à quel moment il en a été question dans mes mots mais passons), ma vue partisane, mon absence d’informations sur le sujet qu’on détiendrait par ailleurs en haut lieu, justifiant le recours à ce que, de mon côté, je dénonce. Concernant le fond de mon discours, je ne suis pas là pour ouvrir un débat politique mais pour défendre mon droit à la prise de parole qui a été la mienne et pour défendre la légitimité de cette prise de parole.
Que je parle d’une guerre imminente contre l’Iran qui aura pour effet d’enflammer définitivement et irrémédiablement tout le monde arabo-musulman (y compris celui de nos cités) contre l’Occident judéo-chrétien que nous incarnons, parce que le ressentiment issu des souffrances locales incommensurables perpétrées contre cette culture et contre ses populations depuis plus de 50 ans par nos politiques belliqueuses et colonialistes aura franchi un point de non retour, que je dise que cette guerre est déjà en cours de préparation, voulue pour des motifs très différents et bien plus bassement financiers que ceux avancés officiellement et portés de douces valeurs morales dont les puissants de ce monde n’ont généralement que faire, et que je prenne la parole pour engager à une prise de conscience à l’avance de ce qui est en train d’advenir afin de le refuser au moment où ce sera au peuple de se prononcer dessus, tout cela est apparu à certains foncièrement déplacé et en décalage avec la réalité de la situation, ôtant ainsi toute légitimité à l’énonciation de ce discours « pompeux et moralisateur » (ou quelque chose dans ce goût-là).
Le problème, c’est que le surlendemain même du concert, l’actualité n’a fait que tristement et sinistrement aller dans mon sens. Par une ironie du hasard, tandis que je créais un parallèle fort entre le flan en train d’être fait sur l’Iran et celui fait il y a peu sur l’Irak, créant aussi un parallèle entre le fiasco d’hier et celui de demain (à ceci prêt que le seconde sera infiniment plus dévastateur que le premier), ce lundi 22 octobre au matin, Le Monde, (source :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0 ... 013,0.html )
à savoir l’un des journaux les plus crédibles de notre pays, parlait d’une nouvelle escalade verbale (sachant qu’en diplomatie où chaque mot est dûment pesé, une escalade verbale est une fumée derrière laquelle il est bon de sentir gronder le feu mauvais) à travers les propos du vice-président des USA Dick Cheney que l’on considère dans bien des domaines comme le véritable gouvernant dont Bush ne serait qu’un pantin et faisait ce commentaire : « « La terminologie employée par Dick Cheney rappelle celle qu'il avait utilisée avant la guerre en Irak. Ainsi, en 2002, il déclarait que Saddam Hussein devrait faire face à de "graves conséquences" s'il ne détruisait pas ses armes de destruction massive présumées, qui n'ont en fait jamais été trouvées. […]Ces propos ont été considérés comme une nouvelle escalade d'un discours nourrissant les craintes d'une guerre américaine contre l'Iran ».
On m’a, au passage, parlé d’hypothétiques informations détenues par ces chers messieurs le ministre des Affaires étrangères et le Président de la République pour justifier le recours çà un vocabulaire de plus en plus belliqueux afin de préparer les gens à la réalité d’une intervention militaire – tandis que moi, simple chanteur dans un groupe de métal gothique, avec ma méconnaissance de ces informations, je n’aurais qu’à me taire et à laisser faire. Dites-moi, chers détracteurs tellement au fait des réalités des grands de ce monde et si prodigues en distribution d’interdiction de parole, ces informations hautement confidentielles et si pures, si solides, si avérées au nom desquelles on voudrait me voir me taire, sont-elles du même type que les anciennes certitudes clamées avec tant de verve à la tribune des Nations Unies concernant possession par Saddam Hussein d’armes de destruction massives qui menaçaient le monde moderne et civilisé qu’est le nôtre, ou bien encore celles concernant le soutien de Saddam Hussein (dictateur laïque haï des islamistes) au terrorisme international et de ses liens avec Al Quaïda ?
En tout cas, il y a fort à parier que ces informations ne sont certainement pas détenues par Mohamed El-Baradeï, l’homme chargé par le droit international d’enquêter sur toutes ces questions et de rendre son rapport en tant que directeur général de l’AIEA (l’Agence Internationale de l’Energie Atomique, chargée précisément de la visite et du contrôle des installations nucléaires de par le monde ainsi que du respect des traités de non-prolifération de l’arme atomique). En effet, il y a quelques mois à peine, celui-ci déclarait (comme il l’avait fait, tiens donc, pour l’Irak) qu’absolument aucun élément ne permettait dans l’état actuel des choses de penser ni même de suspecter que l’Iran était en train de développer une technologie nucléaire à des fins militaires et qu’en l’absence de tout fondement à cette assertion il était nécessaire de stopper l’escalade aux sanctions et les rhétoriques guerrières à son encontre. Ce dimanche 28 octobre, toujours dans Le Monde (source :
http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14 ... r=RSS-3208 ), on pouvait lire concernant son avis sur la question : « "Je crains que si l'escalade se poursuit des deux côtés nous ne finissions dans un précipice", a-t-il dit. « Les détracteurs du programme nucléaire iranien devraient "arrêter d'exagérer et de déformer le problème iranien car c'est un dossier qui pourrait provoquer une conflagration majeure, non seulement au plan régional mais au plan international", a-t-il dit sur la chaîne américaine d'information en continu ».
Toujours ce lundi 22 octobre, toujours 2 jours après mon odieux discours pleins de fantasmagories, Le Figaro quant à lui, qui n’est pas spécialement connu pour ses positions anti-sarkozystes, titrait ce même lundi : « Les Risques d’un guerre par malentendu entre les Etats-Unis et l’Iran s’accroissent ». On pouvait y lire :
« Force est de constater que, sur le dossier du nucléaire iranien, se dessine actuellement une seule ligne, qui est celle de la confrontation. Tout se passe comme si deux trains fous étaient lancés l'un contre l'autre sur la même voie de chemin de fer, sans que personne ne parvienne à les arrêter ou à les aiguiller sur une autre voie. Le conducteur du train Amérique s'appelle Dick Cheney (le vice-président néoconservateur qui orchestra la désastreuse attaque contre l'Irak de 2003) ; et celui du train Iran, Mahmoud Ahmadinejad (le très nationaliste et très religieux président de la République islamique). Les Anglo-Saxons ont un mot pour cela : collision course.[…] Pourquoi le train Amérique continue-t-il à filer droit vers la catastrophe (un bombardement de l'Iran, qui entraînerait immédiatement un embrasement de l'ensemble du golfe Persique, comme vient de le déclarer un général des pasdarans) ?[…] La guerre, fille du malentendu. La guerre, fille de la surenchère entre dirigeants ignorants et autistes. »
(source :
http://www.lefigaro.fr/debats/20071022. ... ssent.html )
Tailler un chanteur de métal gothique qui s’exprime sur toutes ces questions d’un ton alarmant en tentant de discréditer son propos et ses parallèles abusifs ainsi que ses raccourcis issus d’une méconnaissance de son sujet, c’est une chose, c’est aisé et ça fait bien sur un forum, mais lorsque le lendemain même deux des plus grands journaux de ce pays d’obédiences politiques très diverses vont ouvertement, explicitement et unilatéralement dans le même sens, ça devient tout de suite beaucoup plus difficile de rester crédible en voulant jeter le discrédit sur ce propos tout en maintenant sa posture de ricanant et de sage, parce que les faits, irréductibles, de cette posture de sage, ils en font une posture de singe bien connue qui se bouche les oreilles et se cache les yeux, posture d’aveugle et de sourd à la conscience endormie et totalement déconnectée des réalités du monde qui l’entoure.
Messieurs mes détracteurs, messieurs les ricanants, êtes-vous donc à ce point aveugles et manipulables, êtes-vous donc à ce point la démonstration vivante et éclatante de la réalité du travail de propagande que je dénonçais pour que les parallèles absolument criants entre le fiasco d’Irak d’hier et celui l’Iran de demain ne vous sautent pas aux yeux au point que vous sembliez penser très sincèrement qu’on peut ricaner de mes propos tout en étant crédible dans les siens ? Parce que lorsque l’Iran, à savoir le pays qui passe dans tout le monde arabo-musulman pour le symbole de la résistance contre l’Occident arrogant et qui y fédère les ressentiments se voit dire par les Etats-Unis et l’Europe derrière – la France en tête – qu’il va se faire bombarder s’il continue, qu’il continue, que le lendemain la Russie qui est en business avec l’Iran dit via Poutine « une intervention militaire contre l’Iran c’est juste hors de question » et que le surlendemain le vice-président américain Dick Cheney dit « si, si, je vous assure », tandis que la Chine elle-même est aussi en business avec eux et ne verra probablement pas d’un bon œil la prise d’assaut des puits de pétrole iraniens dont elle a besoin pour accompagner le développement industriel conjoint à sa croissance à deux chiffres, quand on voit tout cela, donc, navré de froisser vos sensibilités et de passer pour l’épouvantail de servir, mais je trouve que ça ne prend pas le chemin du petit conflit régional qui ne paie pas de mines. Avez-vous donc besoin d’avoir Paris sous les bombes et que la mort vienne sonner à votre propre porte pour commencer à accepter que l’on vienne vous déranger (quelle indécence !) dans vos divertissements pour vous parler de l’empire grandissant de la mort et du chaos dans le monde, auquel votre pays tente de vous faire participer ? Si tout cela n’est pas suffisant pour que vous estimiez qu’il règne dans l’air un parfum grandissant de poudre et de sang, je suis navré mais j’estime que vous avez le nez bouché, c’est votre droit le plus entier, de droit j’ai le même de ne pas l’avoir bouché et d’agir en conséquence et en accord avec cet état de fait.
Voilà déjà plusieurs années qu’en privé je soulève toutes ces questions en faisant toutes les mises en garde requises et qu’on sourie gentiment de mes frasques en réponse – et même si c’est avec affection, on sourit quand même. Le problème est que la réalité commence véritablement à ressembler tragiquement à mes élucubrations prophétiques de chanteur de métal gothique excessif en mal de visions apocalyptiques. Voilà des années que je tire les sonnettes d’alarme à qui veut les entendre, dans des interventions fleuves et le plus souvent non lues sur d’obscurs forums où l’on me rétorque le droit à venir se divertir sans être dérangés par mes grands délires. Vous n’êtes pas les premiers à me tailler ni à me railler, vous ne serez pas les derniers, mais ce que je sais, à mon plus grand malheur – car je préfèrerais infiniment que vous ayez raison sur moi, mais c’est hélas l’inverse qui se produit sous nos yeux et dans nos journaux –, c’est qu’avec le temps les rires s’estomperont, les orgueils démesurés et les vanités sarcastiques se dégonfleront comme des ballons de baudruche parce que la réalité sinistre du monde les aura rattrapées pour les crever de son aiguillon terrible et de sa morsure amère. Ce jour-là, je serai de ceux qui pourront dire que j’aurais fait tout ce qui était en mon petit pouvoir – que j’ai la prétention de voir grandissant – pour faire en sorte que tout cela n’advienne pas, et de votre côté vous pourrez partir à la pêche aux bonnes excuses et autres caches misère pour mauvaises conscience en mal de lavage clé en main d’avoir ri très fort à un moment où le chaos derrière vous se mettait à gronder très fort, et d’avoir voulu faire taire dans un sarcasme mauvais ceux qui tentaient d’éveiller vos consciences engoncées dans l’arrogance et la légèreté militante du divertissement – ce que dans un autre discours prononcé 15 jours plus tôt j’appelais « le sommeil des bêtes qui paissent docilement ». Libre à vous de ne pas voir dans tous ces signes criants la venue une seconde fois en bien plus terrible encore d’une chose dont la réalité nous a montré une première fois, il y a quelques années à peine, à quel point elle était tout simplement inadmissible, infecte, abjecte, immonde moralement répugnante – et à quel point tout le monde avait tout à y perdre à part les quelques puissants qui y gagnent des marchés juteux dans les domaines pétrolifères et l’instauration de régimes pro-occidentaux avec lesquels on peut faire du business (et tous ces avantages ne dureront qu’un temps, et l’addition tombera un jour ou l’autre, et elle sera salée au-delà de tout soupçon).
Au passage, comme le stipule mon discours, ça n’est pas moi qui ai parlé de 3e guerre mondiale mais Georges Bush, à savoir quelqu’un qui est juste l’homme le plus puissant en ce bas-monde et qui a démontré concrètement par les faits passés qu’il avait peu de scrupules à employer ces moyens. Mon discours se contentait simplement de dire que quand ces gens-là agitent ce genre de spectres terrifiants, ils ont ensuite un talent terrible pour les transformer en réalités concrètes. Libre à moi d’estimer que votre volonté de ne pas vous voir brusqués dans votre confort intellectuel et de ne surtout pas vous voir perturbés lors de vos divertissements et autres festivités ne pèse pas le centième du poids de la souffrance incommensurable dont je parle et que j’essaie à ma maigre petite mesure d’enrayer.
(partie 2 à suivre)